21/01/2011

Les Panthères Roses : Comment lutter contre les violences et leurs conséquences...?

Comment lutter contre les violences et leurs conséquences dans les milieux féministes par une prise en charge collective ?

Parler de la violence en milieu militant génère immanquablement des réactions de rejet, des prises de position opposées et des attaques sur la méthode, les personnes et / ou les collectifs concernées. Selon certaines personnes, les violences considérées comme privées devraient rester dans le cadre privé. C’est la méthode employée dans le cadre familial pour étouffer la parole des personnes violentées et le meilleur moyen de ne pas remettre en question la structure qui admet ou légitime la violence. Ce texte doit permettre aux Panthères roses de réagir lorsqu’elles sont saisiEs par une personne dénonçant des violences commises entre individuEs dans les milieux militants, précisément dans le cas de violences qui rendent le partage des espaces militants nécessaire.

Cette réflexion s’inspire et s’inscrit dans la lignée des travaux produits par d’autres collectifs féministes (cf. bibliographie ci-dessous).


Une démarche féministe

La dénonciation des violences et la lutte contre celles-ci est un volet du combat féministe au même titre que les actions et réflexions menées sur le genre, le travail, les discriminations et les oppressions. Ce combat s’inscrit dans la conviction que le privé est politique ce qui induit de refuser la privatisation de ces questions en les renvoyant dans le champ individuel. L’attention, l’interrogation et le traitement collectifs des dysfonctionnements internes à nos mouvements est un héritage du mouvement féministe.

Nous sommes conscientEs que les violences peuvent s’exercer au sein même de nos courants politiques et ne sont pas que le fait d’hommes extérieurs. Nous dénonçons la croyance qui a parfois cours que les femmes ne seraient que victimes du sexisme et incapables de produire ou d’en relayer les violences. Nous partons du principe que les personnes désignées comme violentes ne sont pas des monstres à ostraciser, mais le produit d’une société qui se structure par la violence.

Nous remettons en cause le principe d’égalité entre les personnes qui renvoie agresseurEs et agresséEs aux mêmes responsabilités et qui induit la participation des agresséEs dans le déclenchement des violences pour en minimiser la portée.


Approche

Les moyens que nous cherchons à mettre en place visent à :

* Eviter l’auto-exclusion des agresséEs des espaces militants lorsqu’elLEs ne souhaitent pas être en présence de leurs agresseurEs. Sans médiation, le partage des espaces se fait toujours au bénéfice de l’agresseurE.
* Permettre aux agresséEs de parler en confiance des violences. Pour combler les doutes et les remises en question qu’on observe fréquemment dans le processus d’acceptation de la situation d’avoir été agresséE. La prise de conscience et la révélation d’une violence prennent du temps donc il faut faciliter la prise de parole par une situation de confiance qui permet de dépasser le tabou.
* Les assurer qu’elLEs ne sont pas en faute dans le déclenchement des violences. Les violences entrainent des sentiments de honte et de culpabilité contre lesquels il faut lutter.
* Leurs donner les moyens de décider dans le collectif des suites à donner.
* Rendre visible et conscient dans le milieu féministe que les violences peuvent exister en son sein. Ainsi les personnes qui les vivent perçoivent qu’au delà d’une histoire personnelle il s’agit d’une question structurelle. Cette question doit être traitée politiquement et collectivement.
* Eviter l’ostracisation des agresseurEs. Par exemple, une médiation peut viser à mettre en place un partage des espaces défini par l’agresséE, l’agresseurE et des tiers. On cherche à permettre aux agresséEs comme aux agresseurEs de garder un espace pour militer et se socialiser plutôt que de créer des groupes antagonistes, inefficaces dans la gestion de ces situations.
* Bannir la violence dans nos milieux. Nos violence doivent être conscientes et travaillées afin de les diriger vers des ennemis politiques réels.


Comment

Pour mener à bien ces objectifs nous faisons attention à maintenir une démarche collective dans laquelle nous visons le même consensus que pour les autres actions.

Afin de ne pas exposer les personnes impliquées à des attaques personnelles, nous souhaitons maintenir leur anonymat. De plus, nous sommes conscientEs qu’une personnalisation reporte l’attention vers les individus au détriment de l’élaboration d’une solution.

Nous ne nous autorisons pas à juger quiconque, ni les agresseurEs, ni les agresséEs.

Nous prenons en compte les difficultés que les agresséEs peuvent rencontrer pour s’exprimer et nous écoutons ce qu’elLEs veulent dire.

Nous n’exigeons aucune explication ou preuve autre que ce qu’elLEs décident de dire.

Nous n’avons pas d’exigence sur l’attitude des agresséEs (il n’existe aucune « bonne » attitude), dans la limite d’exercer à son tour la violence.

Nous visons à créer un espace de confiance qui permet de ne pas mettre en question ce que dit l’agresséE.

Nous cherchons ensemble les actions à mettre en place en veillant à ce qu’elles soient supportables et assumées pour les agresséEs, les agresseurEs et le collectif.

Nous ne souhaitons pas de condamnation, nous travaillons en faveur de l’agresséE, pas en défaveur de l’agresseurE.

La recherche de médiation est un outil qui peut être utilisé pour faire prendre conscience à l’agresseurE de ce qu’il s’est passé et trouver les modalités qui permettront à l’agresséE d’évoluer sereinement dans les espaces militants.

En cas d’échec ou de refus de la médiation, en cas de non respect de l’accord de la médiation, le seul outil à notre disposition est la mise à l’écart temporaire de l’agresseurE des espaces militant afin d’y permettre la présence de l’agresséE. Cette solution ne nous satisfait pas, une alternative doit être trouvée.

Nous encourageons la mise en place d’un cadre qui permettra qu’unE agresseurE puisse travailler sur ses actes de violence en confiance et sans jugement.


Espaces militants

Nous déplorons que toute visibilisation de violence déstabilise les espaces militants et génère un climat de défiance. La minimisation, voire la négation de la parole des agresséEs relève d’une tentative de contournement de la question politique posée collectivement. Les tentatives de retournement de situation menées par les agresseurEs sont courantes et doivent être désamorcées.

Nous souhaitons des espaces militants capables de s’interroger et traiter les violences en son sein car cela nous fait avancer dans l’élaboration de nos projets et utopies. La garantie d’espaces sûrs pour touTEs consolide nos liens et nous renforcent dans les luttes. Notre capacité à travailler toutes les questions, même les plus inconfortables, nous permet de réfléchir et contrer les mécanismes sexistes à l’œuvre dans la société et qui, forcément, nous traversent.


Bibliographie

* lave ton linge en public : http://infokiosques.net/IMG/pdf/lav...
* soutenir une survivante : http://infokiosques.net/IMG/pdf/sou...
* violences dans le couple lesbien : http://www.lecrips.net/L/doc/L5.pdf
* le consentement : http://infokiosques.net/IMG/pdf/le_...
* le site de l’association Air libre
* Textes sur les viols et les violences sexistes en milieux alternos sur le site combien de fois 4 ans


Note sur le débat Nous cherchons à poursuivre l’élaboration sur ce sujet avec les groupes et les personnes féministes ayant une réflexion sur ce sujet. Nous publierons toutes les contributions qui précisent, contredisent, affinent et complètent les propositions de ce texte. C’est pourquoi ce texte est ouvert à commentaires modérés à priori. Cela ne signifie pas pour autant que les Panthères roses sont d’accord avec leurs contenus et les assument mais simplement que nous jugeons que ces contributions sont utiles à la réflexion. Nous poursuivrons notre réflexion avec ces apports pour aboutir à la rédaction d’un texte plus riche. Nous souhaitons que ce texte contribue à l’ouverture de travaux dans d’autres groupes et que des échanges aient lieu sur ce sujet.

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